Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Reçue à Montélimar, le 02 novembre 1573.
2Monseigneur, avant de partir du camp de La Rochelle, le roy de Polloigne donna
3la charge de notre conduite à monsieur le conte de Gayasse en ensuyvant les commandemens
4quil recevoit de sa majesté avec asseurance quil nous feroit seiourner en lieu commode
5auquel noz soldatz se pourroient raffraischir et se ressentir du grant travail quilz
6ont souffertz depuis quilz sont en son service. Ores, approchans de Vienne, lieu où
7devoit estre notredit seiour, ledit sieur conte reçoit commandement au lieu de nous faire
8seiourner quil eust à nous faire marcher pour vous joindre en Languedoc encore que ce nous
9ait esté chose dure à executer, ce neantmoins dautant que le service du roy nous
10doit estre en singulière recommandation, craignans en icelluy negliger quelque chose,
11oultre lasseurance que de tout temps avons eue de votre entière volonté et affection
12en notre endroict, nous avons, en ensuyvant les commandemens, bien voulu marcher
13et nous accommoder à tout ce que son service requerroit de manière qu’approchant du
14passaige pour entrer en votre gouvernement, ledit sieur conte nous a faict entendre avoit
15receu lettre de vous, avec prière ne nous vouloir laisser passer plus avant dans
16votredit gouvernement et que pour le present vous naviés encore entendu le volonté du roy,
17ce que nous avons trouvé fort estrange, dautant que nous pensions entrer au lieu
18où serions bien receus et aurions moyen de faire quelque bon service à sa majesté, oultre
19lesperance que nous avions d’y recevoir quelque repos, il nous semble que ce nest
20la fasson nous renvoyer dun à autre, mais en ensuyvant le vouloir de sa
21majesté qu’on nous devoit librement octroyer le passaige par le pont de Saint Esprit, qui
22est cause que ledit seigneur conte vous envoye ce gentilhomme, affin que par luy
23nous soyons advertis de votre intention pour, en ensuyvant icelle scavoir diriger noz
24actions ; et dautant que les affaires sont subiectz à changement et que par aventure
25vous ne pourriés avoir affaire de nous, attendu que sa majesté nous a commandé
26nous joindre avec vous pour le moins quil vous plaise nous donner lieu,
27soit en Provence ou Languedoc pour nous povoir raffraischir avec noz
28soldatz en attendant quil se presente quelque occasion de povoir faire notable
29service au roy avec ordre quil nous seroit administré vivres suffisamment
30et a pris raisonnable, car vous scavez que sans cella on ne peut entretenir
31[184 v°] police, laquelle avons tousiours faict garder quelque part qu’ayons esté et ferons encore,
32tant et sy longuement qu’aurons cest honneur de faire service du roy et parce que lon nous
33a depuis deux mois donné esperance que recevrions le payement d’ung mois, lequel doit
34provenir de la recepte generalle de Thoulouze que navons jusques icy veu et parce moyen
35reduict en sy extreme necessité, que sy monsieur de Gordes ne nous ayt faict soulaiger
36et secourir de quelque petite somme dargent, nous neussions sceu de quel bois faire flesche
37nous vous supplions très humblement en consideration de la grande amytié que votre
38maison a tousiours porté à notre maison, laquelle nous estimons plustost estre augmentés
39que diminués aussy que luy à celluy qui ne soit tout prest à reposer le corps et la vie
40avec ce qui depend de notre povoir pour vous faire service très humble comme de
41monsieur de Meru notre colonnel general en a reçu certain tesmoignaige quil vous
42plaise faire haster le plustost qui pourrés ledit payement, estans retombez en la mesme
43necessité quavons eu au paravant, delaquelle sy promptement ne sommes
44relevez suyvant les asseurances que nous en avez par plusieurs fois donner par voz
45lettres. Il est à craindre ung grant desordre à noz trouppes, auquel il est besoing
46remedier et nous advertir par ce porteur de votre intention et volonté, estant davis
47à ung chacun que nous sommes jà soubz voz aisles et que ne devons attendre
48commandemens dautre que de vous. Mondit sieur le conte faict bien tout ce quil peut
49pour nous donner contentement, mais il nous senble soubz correction encore quil ait ung
50povoir bien ample du roy, quil est besoing quil en ait ung autre du votre qui l’acompaigne
51pour estre dautant mieulx obey es lieux et endroictz où il vous plaira que marchions,
52car sans cella, nous craignons fort de tomber au desordre susdit et quil ne sengendre
53lon seroit contrainct faire chose qui ne pourroit que redouter au preiudice du
55lamytié duquel faisons autannt destat que du seigneur qui soit en France ;
57et protestons, au ca que cella advins, que la faulte ne procedera de nous,
58mais de ceulx qui representent la personne du roy, à faulte davoir donné ordre
59à notre payement aux vivres, passaiges et autres choses necessaires pour la conduite
60des serviteurs telz que sommes à la couronne de France ; à quoy toutesfois aurons
61tousiours sy bon œil quil ne se fera autre chose de notre consentement pour le
62[185] service du roy, vous supplians croire que la necessité quendurons de jour à autre
63Nous contrainct vous en escrire sy instamment.
64Monseigneur nous recommandons. Du camp de St Paul, ce XXIIIIe octobre 1573.
65Voz très humbles et obeissans serviteurs les deux colonnelz des regimens
66Souisses Ans Graff Hans Heyst